Peu de Hanoiens connaissent la véritable origine du haut-parleur public, un objet pourtant omniprésent dans toutes les rues à l’époque. On pense qu’il est apparu à partir de 1972, mais généralisé dans l’ensemble du pays après la libération du Sud Vietnam, le 30 avril 1975.
Avant l’apparition des haut-parleurs, la ville de Hanoi disposait d’équipes de gardiens qui avaient la charge de rappeler les travaux communs du quartier. Ils étaient alors munis de haut-parleurs de tôle fait à la main dans la rue des étains (Hang Thiec) par lesquels les gardiens criaient les nouvelles. Au début des années 70, on a vu l’apparition de haut-parleurs chinois à batterie pour économiser de l’énergie. Cela a continué jusqu’au début des années 80, mais seules les informations essentielles étaient utilisées pour ces haut-parleurs.
Les Hanoiens les plus âgés du centre-ville confirment qu’après la guerre, la ville n’avait des systèmes de haut-parleurs publics qu’autour du lac Hoan Kiem, qui avaient été installés lors de l’époque coloniale. Ce système avait alors un son puissant, élégant et une forme de joli chapeau pointu.
Jusqu’à la libération de Saïgon, les Hanoiens avaient pour habitude de se regrouper sous les haut-parleurs pour écouter quotidiennement l’avancement des combats et les victoires annoncées par le département national de radio. Pendant la guerre, ces haut-parleurs étaient aussi le meilleur moyen d’annoncer la localisation des avions de chasse américains et d’alerter les habitants de leur passage afin qu’ils se réfugient dans les bunkers.
Après la libération, les haut-parleurs ont continué à jouer un rôle positif. Ainsi, ils avaient un lien fort avec la vie quotidienne des habitants. Ils les informaient sur la politique du pays mais aussi sur la distribution de timbres et de bons, nécessaires à l’achat de nourriture, de linge ou encore d’objets ménagers. Si cette voix s’absentait ne serait-ce qu’une journée, les femmes du quartier allaient se plaindre puisqu’elles ne savaient pas quel commerce allait vendre quel produit et que ceux-ci seraient distribués ou vendus trop rapidement étant limités. De plus, à cette époque, le téléphone n’était pas répandu.
Après l’époque des subventions, les haut-parleurs ont perdu de leur utilité. Étant donné qu’il n’y avait plus d’informations, des chansons et morceaux de musique étaient diffusés. Néanmoins, ils n’étaient pas diffusés à des moments où les habitants souhaitaient écouter de la musique. De plus, les haut-parleurs n’étant pas prévus pour écouter de la musique, le son était souvent déformé et dur et ces chansons sont souvent devenus des sujets de blagues.
De nos jours, les heures de fonctionnement des haut-parleurs ont fortement diminué. Cependant, le contenu n’était pas souvent diffusé au meilleur moment, quelques exemples pourraient être : parler du choléra à l’heure du repas, ou du nettoyage de la rue à 5h du matin. Mais le pire serait sans aucun doute le programme de lecture des poèmes des retraités tous les après-midi.
En 2017, le maire de Hanoi a proposé un vote pour supprimer les haut-parleurs de la ville. 90% des Hanoiens ont voté pour, pensant que leur mission est à présent remplie. Ils n’ont désormais plus besoin d’ajouter de bruit à l’environnement déjà bruyant d’une ville en voie de développement. La décision est encore à prendre…
Traduit depuis la prose « Hanoi dans les yeux d’un homme » – Auteur Do Phan – Edition 2019.
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